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Décarboner la mobilité routière : comment estimer les émissions de polluants ?


Quelles sont les données pour estimer les émissions de polluants ?

La mobilité routière est au cœur d’un double enjeu environnemental : elle contribue au réchauffement climatique en représentant une part importante des rejets de gaz à effet de serre (GES), et son impact négatif sur la qualité de l’air dans les zones urbaines est avéré. En France, le trafic routier est responsable de plus d’un tiers des émissions de CO2, et de plus de la moitié des émissions d’oxydes d’azote (NOx) pour ce qui est de la pollution atmosphérique (1). Les émissions de GES et de polluants liés à la mobilité routière sont aujourd’hui des dimensions significatives et signifiantes dans l’évaluation des projets d’aménagements routiers, de gestion du trafic et de la circulation. Bien les évaluer est donc incontournable.

Objectiver le phénomène, ou la nécessité d’un modèle d’émission

Plusieurs méthodes d’estimation des polluants et GES liés au trafic routier ont vu le jour depuis les années 2000 et celles-ci ont principalement recours à des modèles d’émission. En effet, bien que la mesure directe des émissions en conditions réelles soit possible grâce à des capteurs atmosphériques, une fois les concentrations des polluants mesurées, il est très difficile de distinguer la part due au trafic routier des autres sources possibles en milieu urbain (industries, chauffage, etc). L’action de la dispersion due au vent mélange rapidement les substances des différentes sources, si bien que pour connaître précisément la contribution du trafic, il serait nécessaire d’équiper massivement les abords des routes, voiries et rues, en tenant compte de surcroît de toutes les conditions météorologiques possibles sur la zone. Sans compter son coût rédhibitoire, cette méthode reste peu fiable et ne permet pas de distinguer les émissions des différents types de véhicules.


Afin d’obtenir des mesures à faible coût et de mieux comprendre l’origine des émissions, les méthodes actuelles séparent ainsi les différents facteurs impliqués par le biais de modèles. Celles-ci nous disent que les deux composantes prédominantes sont le type du véhicule (englobant sa technologie, celle de son moteur et de son pot d’échappement), et la distance qu’il parcourt. Vient ensuite la vitesse à laquelle il roule, et ensuite d’autres facteurs de second ordre comme son accélération/décélération, la pente de la route, les conditions météorologiques, etc. Pour comprendre comment les deux premiers facteurs se combinent pour donner l’émission totale d’un trajet, on peut utiliser la formulation de l’équation de Kaya appliquée aux transports (2) : cette dernière nous dit que l’émission de CO2 d’un déplacement est égale à l’intensité carbone du véhicule (sa technologie, le premier facteur) multipliée par le nombre de kilomètres parcourus (le deuxième facteur). Le terme « intensité carbone » peut se généraliser en « facteur d’émission » pour un polluant donné, il s’agit d’un modèle d’émission unitaire (1 km parcouru) pour une vitesse moyenne donnée, et un type de véhicule et de moteur donnée. C’est l’approche majoritairement retenue pour bien estimer les émissions de CO2 et d’autres polluants.

Quels facteurs clés pour une bonne estimation ?

Le premier facteur se rattache à la notion de « parc automobile roulant ». Le parc de véhicules décrit la proportion des différents types de véhicules et de leur motorisation dans l’ensemble des kilomètres parcourus sur un territoire. On distingue généralement les grandes catégories suivantes : véhicules légers, véhicules utilitaires, poids lourds, cars/bus, et deux-roues motorisés. Les moteurs sont majoritairement essence ou diesel, plus rarement hybride ou électrique. En Europe, la norme Euro du moteur (Euro 1 à 6) détermine largement le niveau d’émission. On utilise très souvent un parc national moyen, mais les proportions de ces types de véhicules peuvent en réalité varier sensiblement d’une région à l’autre au sein d’un même pays. La donnée du parc automobile est ensuite combinée à un modèle de facteur d’émission qui peut aussi utiliser des données entrantes de second ordre comme la vitesse ou l’accélération. Au final, ce modèle produit une estimation des émissions pour un kilomètre parcouru de chaque catégorie de véhicule.


Le second facteur est celui de la distance parcourue. Celle-ci peut provenir de différentes sources en fonction de l’échelle spatio-temporelle visée : de statistiques locales/nationales, de données de comptages, d’enquêtes, ou de modèles et simulations de trafic. Afin que le niveau de détail soit homogène à celui de la donnée du parc automobile, il est essentiel que la distance parcourue soit distinguée en fonction des types de véhicules, selon la source avec un niveau de distinction plus ou moins fin (par motorisation, norme Euro, grande catégorie véhicules légers/poids lourds, etc).

Inclure l’estimation des émissions dans l’évaluation des projets de mobilité routière : c’est possible !

La bonne estimation des émissions de GES et de polluants demande certes une bonne compréhension des facteurs en jeu, mais la connaissance scientifique sur le sujet a permis d’asseoir des méthodes robustes au cours des dernières décennies. Plusieurs modèles d’émissions coexistent, mais leur fonctionnement commun nous apprend que seules certaines données clés sont essentielles au premier ordre, à savoir le parc des véhicules roulants et leurs distances parcourues. Ces données sont souvent disponibles dans les statistiques nationales pour une estimation sur de larges échelles spatiales. L’analyse d’un territoire particulier va certes nécessiter un raffinement de ces données.


Pour autant, ce process, et c’est la bonne nouvelle, se fait à un coût souvent marginal. Il n’est donc plus envisageable au prétexte économique de ne pas intégrer une vision des émissions de GES et de polluants dans l’évaluation des projets de mobilité routière. Eclairer la décision sous cet angle, c’est aussi accélérer la transition vers un système de mobilité qui répond aux enjeux écologiques et environnementaux.


Sources :

(1) Citepa, juin 2020. Inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France – Format Secten.

(2) ATEC ITS France, Décarboner la mobilité.

 
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